Délinquance et manipulations

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Délinquance : la manipulation

(article du journal Le Monde du 19.09.2007)
Chiffres de la délinquance : "les techniques de manipulation sont légion"
            LE MONDE | 18.09.07 | 15h35  •  Mis à jour le 18.09.07 | 15h35
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Dans un livre intitulé Police : des chiffres et des doutes, à paraître le 4 octobre (Michalon), deux chercheurs, Jean-Hugues Matelly et Christian Mouhanna (CNRS), décrivent en détail les "recettes" qui permettent de manipuler les chiffres de la délinquance. Et dénoncent la "culture du résultat" chère à Nicolas Sarkozy. Celle-ci a accru la pression au point, écrivent-ils, que "les arrangements se sont désormais institutionnalisés à grande échelle".
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A partir de nombreux témoignages anonymes de policiers, mais aussi de "l'état 4 001", le tableau de classification qui recense depuis 1972 tous les crimes et délits, les auteurs dressent un tableau très critique. "Dans la police, comme dans la gendarmerie, préviennent-ils, les techniques de manipulation des chiffres sont légion." Figurent ainsi en "bonne place" le refus d'enregistrer une plainte, l'attribution à un délinquant interpellé de faits dans lesquels son implication n'est pas avérée, ou l'utilisation des mains courantes informatisées mais non comptabilisées dans les statistiques. Comment "éteindre statistiquement les incendies de voiture" ? Il suffit de les centraliser, pour une même ville, dans le temps et l'espace, quand une procédure est ouverte. Ainsi, si les auteurs ne sont pas arrêtés, au regard des "canons" de la méthodologie, "il n'y aura qu'une seule procédure et seulement un incendie volontaire"...

Le taux d'élucidation des affaires, qui se traduit par la désignation d'un suspect et non l'identification d'un coupable, est particulièrement visé, avec le "harcèlement de cibles molles" : prostituées, consommateurs de drogue, communautés d'origine étrangère, peu enclins à contester par voie judiciaire l'action policière, fournissent quand c'est nécessaire "des moissons de procès-verbaux" et "des bataillons de garde à vue". Tout est bon pour améliorer les résultats même s'ils finissent par devenir incohérents. En 2006, par exemple, le nombre de résolutions des infractions était supérieur aux faits constatés dans bien des domaines, aboutissant à un taux supérieur à 107 % pour le recel ou l'usage et la revente de stupéfiants et jusqu'à 170,82 % pour la fraude alimentaire et l'hygiène.

Cette dérive, ancienne, s'est accrue, insistent les deux chercheurs, à partir de 2002, avec la pratique dite du "Sarkomètre", qui consista à convoquer les préfets des cinq départements présentant les plus mauvaises évolutions statistiques. Elle risque de s'aggraver encore. Le 30 juillet, le président de la République a enjoint la ministre de l'intérieur de relever le taux moyen d'élucidation, de près de 36 % aujourd'hui, à 40 %.

Tout en comptant beaucoup sur le développement de la police scientifique, Michèle Alliot-Marie a chargé, le 6 septembre, Alain Bauer, président de l'Observatoire national de la délinquance, de lui soumettre des propositions en octobre.

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